Comme un rêve...
Outre brume, par delà la rivière, la masse sombre de la forêt joue à cache-cache avec moi.
Le jour se lève. Au fond du vallon, sur l'étang, l'envol bruyant des canards de passage annonce qu'il est l'heure de l'éveil.
Mon front tiède posé sur le cristal glacé du verre à plomb bullé, les pieds nus l'un sur l'autre, dans mon pyjama bleu de chine, je regarde un monde qui renaît.
La porte s'ouvre : Papa, si jeune et si beau. Je saute à son cou, hume la fragrance délicate de sa joue si lisse, mon signe de reconnaissance entre mille. Je le serre dans mes bras tandis qu'il caresse mes cheveux.
J'ai 8 ans. Je descends le grand escalier, la morsure de la pierre sous mes pieds m'offre un délicieux frisson. Guidé par l'odeur du lait chaud et du pain frais, je traverse le salon de musique, vers la petite salle à manger.
Maman est là, derrière la grande table d'acajou. Que vous êtes belle, Maman, encore dans la tiédeur de la plume, enrobée de satin blanc et de nid d'abeille, comme un ange consacré à l'extase. Je vous embrasse, vous n'êtes que vapeur, coton et chaleur.
Papa paraît, il est pressé comme toujours, il vous embrasse sur le front et me serre la main.
Papa est parti, la porte claque dans le hall, emportée par le vent qui porte toute sa vie.
Alors, le verre de Murano tombe en sable coloré, les lambris deviennent sciure, l'argent de la table coule, liquide, sur le sol, et les murs de granit s'enfoncent dans la terre.
Et Maman disparaît.
Moi, bandé comme un arc, parcouru d'un choc électrique, haletant, je me réveille dans mon lit trempé de sueur.
Il est 4 heures du matin, je sais que je ne rendormirais plus.
Conseil d'ami : faites-vous vacciner contre la grippe, elle est redoutable cette année , au bout d'une semaine, je traîne toujours un bon 38.5.