Tirez la tronche, le petit oiseau va sortir !
Lundi 9 août 2004
« Les britanniques devront prendre un air malheureux sur leurs photos d'identité afin d'être plus facilement comparés avec les faciès des terroristes. Les terroristes cherchent à avoir une expression neutre sur leurs passeports. Le résultat est presque toujours une bouche fermée, un oeil maussade, un visage austère sinon triste.
Le ministère de l'Intérieur britannique estime que, si tous les citoyens adoptent cette même pose, la police des douanes reconnaîtra plus facilement les suspects [ ]».
Amis lecteurs du lundi, je tenais à vous faire profiter des petites merveilles dénichées ça et là au cours de ma revue de presse matinale. Une fois de plus, la palme de l'info revient à l'indétrônable Parisien, qui nous apprend, tenez vous correctement, que les terroristes seraient des personnages antipathiques et patibulaires.
Voilà en tout cas une information de piètre qualité à mon égard. Je ne suis pas britannique, je me défends d'ailleurs de vouloir le devenir un jour, et, personnellement, j'affectionne de prendre un air austère et mystérieux, presque inquiétant, lorsque je me fais tirer le portrait, en prenant soin à chaque fois de choisir un fond gris, qui fait mieux ressortir la pétillante intelligence de mon regard que le désespérant rideau orange plissé Tergal pompidolien, dont la persistance au XXIème siècle dans les photomatons demeure une énigme insondable.
En conséquence, la photo de mon passeport semble avoir été prise alors que je me coinçais les doigts dans une porte de coffre-fort, mon permis laisse à penser que je suis atteint d'une maladie tropicale incurable, quant à ma carte d'identité, n'en parlons pas, on dirait un cliché de l'identité judiciaire dans les sous-sols du Quai des Orfèvres après une audition musclée.
Imposer un air malheureux, il n'y a bien que nos perfides voisins pour inventer un truc pareil. Imaginez un instant, chez nous, que la RATP par exemple, arrête une disposition intimant à nos concitoyens d'arborer une mine de trois pieds de long dans le métro le matin ! Impensable, me direz-vous !
Car le Génie Français, de nature rétive à toute forme de coercition et doté de ce bon sens que le monde nous envie, qui lui a permis d'inventer le savoir-vivre, la TIPP flottante et la guillotine, s'impose de lui-même cette manifestation sociale de mauvaise humeur permanente et fait la gueule tout seul, sans que l'on ne lui demande quoi que ce soit.
Voilà bien un acte de civisme dont l'Anglais, obtus et replié sur sa condition d'îlien qui le pousse à ne rien faire comme les autres, est absolument incapable. On dit les Anglais coincés, fermés et flegmatiques, mais il suffit de se rendre aux alentours d'une heure du matin dans n'importe quel Pub pour constater que ces sympathiques buveurs de bière sont d'authentiques braillards, joviaux et portés sur la franche déconnade. Il faut d'ailleurs une bonne dose d'humour et de troisième degré pour accepter une existence passée dans le brouillard, sous la pluie, à s'enfiler de la gélatine et de la viande folle et bouillie en attendant le prochain Blitz.
Tous les Anglais qu'il m'a été donné de connaître, je le jure, arboraient des mines ravies sur leurs documents officiels, sous l'apparente austérité de la moustache et du melon pour les hommes. Ces dames, quant à elles, tirent suffisamment de fierté de leur dentition gigantesque pour la mettre en exergue à chaque occasion.
L'Anglais est souriant, donc : N'a t'il pas inventé le fameux « Cheese », bien plus efficace pour la qualité du sourire photographique que notre ridicule « Oustiti Sexe », dont le rendu crispé confère un air emprunté du plus mauvais goût ?
On peut en tous cas s'interroger sur les conséquences à terme de cette législation, imposant le délit de sale gueule à toute une population sous prétexte de lutte contre le terrorisme.
Les Anglais finiront-ils par ressembler à des terroristes ? Va-t-on voir apparaître des massacreurs d'un nouveau genre, posant gaillardement des bombes, tout sourire, sifflotant gaiement pour éviter d'éveiller tout soupçon ?
En attendant, je donnerai aux forces de l'ordre de Sa Gracieuse Majesté les conseils suivants : les terroristes, en dehors de toute considération de jovialité, ont souvent le teint basané, le cheveu crépu, le nez busqué et fourbe. Les policiers Français sont passés maîtres dans l'art de débusquer de tels individus, avec un flair qui ne se dément jamais, et dont les journaux relatent quasiment quotidiennement les ratonnades exercées au nom sacré de l'Ordre Public, tête haute et mains propres, la Flamme au Front et le Cur National. Peut-être peuvent-ils former leurs collègues d'Outre-manche ?
Quant aux terroristes Irlandais, rien de plus simple : ils sont roux, habillés en vert et se prénomment Patrick. La vue d'un trèfle à quatre feuilles les fait bondir de joie, porter la main sur le cur en chantant « Amhrán na bhFiann » (Prononcer « Aourone na Fiéne », le Chant du Soldat pour ceux d'entre vous qui n'auraient pas fait Gaélique en première langue).
Allez, à demain, et méfiez-vous de vos prochains !
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