Prosons sur le Prozac.
Les antidépresseurs augmentent-ils le risque de comportements suicidaires ou agressifs chez les enfants et les adolescents ? Depuis un an, cette épineuse question taraude médecins, autorités sanitaires, et même les juges.
Lundi, le New York Times a ainsi rapporté l'histoire d'un garçon de 12 ans qui, dans un accès de violence, a tué ses grands-parents à l'arme à feu. La défense va tenter de faire porter le chapeau au Zoloft, un antidépresseur que l'adolescent prenait depuis peu
Je vous fais grâce du reste, que vous pouvez trouver sur le site de Libé.
Je ne sais pas quelle est votre position sur la question, mais ce genre d'article me déprime totalement.
Comment diable peut-on se retrouver dans un état tel que l'on doive prendre des antidépresseurs avant même d'avoir du poil où je pense ?
Pourquoi, à un âge où on a certes une fâcheuse tendance à remettre l'univers en question, doit-on s'appuyer sur des béquilles chimiques à la noix au lieu de courir les filles, acné au vent, sur des mobylettes kitées, alors même que la raison dicterait de réviser son Brevet des Collèges ?
Triste monde, à la vérité. Peut-être que notre civilisation dite « de loisirs » n'offre plus de perspectives à nos boutonneux, puisqu'ils doivent maintenant se gorger de psychotropes, légaux ou non, pour supporter la vie en attendant Aloïs Alzheimer, l'allemand qui rend fou, qui viendra les cueillir dans leur pavillon tout juste remboursé de la côte Varoise.
Je suis un écorché vif, mélancolique et cynique au besoin, et j'en ai pris mon parti.
Mais à la lecture de cet article je dois me ranger dans le camp des irraisonnables optimistes.
Adolescent, c'est-à-dire il y a fort peu de temps, j'étais déjà éperdu de l'existence. Je vivais, que Diable !
Certes, j'éprouvais de temps à autres de cruelles déconvenues, notamment lorsque les copines de classe sur lesquelles j'avais des vues me rabrouaient d'un bon coup de râteau, préférant de plus âgés, plus beaux et plus dotés d'automobile que moi. Je me suis bien vengé par la suite, en faisant des ravages dans les rangs des copines de ma petite sur.
Mais jamais ma vie à l'époque n'a été dure au point que j'imagine, ne serait-ce que l'espace d'un instant, chercher le réconfort dans une officine pharmaceutique ou le divan d'un psy.
Quel est donc ce phénomène ? Sans céder aux Cassandres de tout poil, je constate cependant que, parmi les personnes de mon âge et les plus jeunes, triomphe une forme inquiétante de défaitisme et d'angoisse permanente de la vie.
Quand on voit ce qu'est devenue l'immense majorité des gens qui avaient pourtant cru à une vie meilleure au point de lancer des pavés ou brûler des soutiens-gorge, on ne peut s'empêcher de frémir à l'idée de ce qui se passera dans 20 ans, quand les moutons apeurés et bêlant leur conformisme abscond hériteront des commandes du bateau de Panurge.
Même moi, à la réflexion, j'ai peur.
Pourtant, nous sommes filles et fils de la résilience : personnellement, je suis né en octobre 1973, le jour du déclenchement de la guerre du Kippour. Je suis arrivé en ce monde à l'instant même où débutait la Crise dont nous ne voyons toujours pas l'issue.
Je suis un enfant du chômage, du divorce, du SIDA, des sous-pulls Damart et de TF1, mais je ne trouve pas matière à me plaindre. J'ai un toit, je ne connais pas le bruit des bottes et des bombardiers qui assourdissent les oreilles de la majorité des peuples, et je fais sans nul doute partie des 0.1 % les plus favorisés de la planète.
Certes, je rame, moi aussi, en fond de cale, comme tout le monde, mais je m'accroche aux avirons, malgré les coups de tambour et les ordres d'un monde que d'autres que moi ont créé, la tape de liège en bouche pour étouffer mes plaintes, comme le prophète dont je porte le prénom lorsqu'il geignait au fond de sa citerne.
Oui, il semblerait que lorsque la principale préoccupation de votre journée est de trouver pitance ou échapper aux génocidaires déchaînés, il vous reste peu de temps à consacrer aux questions existentielles qui minent le moral des enfants gâtés que nous sommes.
Moi, le matin, lorsque je me lève, je regarde par ma fenêtre et je dis « A nous deux ! ».
Je sais bien que le combat est inégal, que la vie est une maladie qui se termine invariablement par la mort, mais d'ici là, je ne rendrai pas les armes.
Je profite de chaque instant, des sourires et des parfums, de soleil et de la pluie, adorant béatement chaque seconde, sans crainte de demain, qui sera forcément plus beau qu'aujourd'hui, puisque je serai en vie.